Si la jazz-fiction était un genre (musico-littéraire), on y céderait volontiers, le temps d'imaginer un monde où le Jazz Samba de Stan Getz n'aurait connu qu'un succès d'estime et où la Bossa Nova USA de Dave Brubeck, enregistrée en cette même année 1962, aurait remporté le succès planétaire de son concurrent. Hypothèse d'autant plus plausible qu'il y a dans ce disque tout ce qui a assuré le triomphe de l'autre : la grâce d'une écriture (la plume de Brubeck est étonnante sur ce canevas brésilien) et surtout le son d'alto de Paul Desmond, moins sensuellement félin que le ténor de Getz, mais plus vaporeux dans son elliptique fragilité, quelque part entre la "farniente attitude", irrésistible de volupté, et la totale désintégration dans une combustion solaire.